10 questions à
Alexandra Senes

Pigiste / Maison Côté Sud et fondatrice de la marque Kilometre

Racontez-nous votre parcours…

J’ai commencé comme stagiaire au magazine ELLE, on a voulu que je sois côté mode et beauté et j’ai refusé. A seulement 17 ans, je me retrouvais au poste d’assistante auprès des grands reporters du ELLE. A cette période, nous avions la chance de faire du « vrai journalisme » compte-tenu des bonnes conditions dans lesquelles nous pouvions travailler. J’ai commencé par la recherche et le tri d’information, jusqu’à ce que l’on me confie un sujet à écrire. Puis, j’ai fini mes études à la Sorbonne, et me suis fait engager au magazine City, qui célébrait le voyage à travers l’architecture, la mode et la gastronomie. J’ai finalement décidé de devenir pigiste et de développer différentes collaborations. Du Nouvel Economiste au magazine 20 ans, Glamour, Beaux Arts au Monde jusqu’à me faire engager comme rédactrice en chef du magazine Jalouse.

Votre plus belle interview ?

Une de mes interviews mythiques est celle de Peter Blake, un navigateur néo-zélandais (ensuite assassiné par des pirates), pour Le Journal du Dimanche. Invitée par la marque Louis Vuitton, les journalistes sportifs ne me prenaient pas au sérieux parce que je venais du milieu de la mode et qu’en aucun cas je ne ferai un papier sportif.

Je me suis donc entêtée à ramener la meilleure interview, en faisant du gringue à Bruno Troublé tous les matins, l’attaché de presse de Louis Vuitton America’s Cup. J’ai réussi à décrocher cette interview la veille du jour où Peter Blake remportait l’America’s Cup. Elle est parue en une du JDD, ce à quoi je ne m’attendais pas du tout !

Un pays qui gagne à être plus connu ?

Peut-être l’Afrique ou plutôt les Afriques. On connaît le Kenya, le Maroc, l’Afrique du Sud. C’est en allant au Bénin ou à Zanzibar que j’ai réalisé que nous devrions nous intéresser à tous ces autres pays. Certains de ces pays peuvent parfois être perçus comme compliqués, mais on ne peut que leur souhaiter que cela évolue.

L’évènement que vous souhaiteriez couvrir avant la fin de votre carrière ?

Surement des événements passés comme la sortie de prison de Nelson Mandela ou le match de boxe mythique de Mohamed Ali et Georges Foreman en 1974. Sinon, si je pouvais inventer cet événement, ce serait de réinventer les routes commerciales de « la Route de la Soie en 2025 ». Je l’emprunterais avec des ambulants futuristes (skateboard volant, e-car 4X4, ballon dirigable-drône) en suivant les événements géopolitiques, en y découvrant de nouveaux paysages et marchandises utopistes.

Présentez-nous une journée type..

Ce matin, par exemple, j’organisais mes voyages à Los Angeles et à Mexico. Je vais y faire le tour des boutiques qui revendent les vêtements de ma marque Kilometre, rencontrer des brodeuses qui ont souffert des récents tremblements de terre et passer deux jours au festival Camp Flog Gnaw Carnival à Los Angeles, sans doute le nouveau Coachella. Puis, j’ai déjeuné avec Aure Atika, une de mes amies comédiennes, qui m’a proposé de m’aider à promouvoir la fondation Zellidja, justement soutenue par Kilometre, qui permet à des enfants entre 17 et 20 ans de voyager.

Après vous, j’ai rendez-vous avec Olivier Varenne, co-directeur des expositions et des collections du musée MONA, en Tasmanie, parce j’espère m’y rendre en janvier pour le magazine Côté Sud. J’irai ensuite au Palais de Tokyo pour l’inauguration de l’exposition de Camille Henrot. Pour finir, je travaillerai sur mon business plan. J’arrive donc à faire des choses très variées dans une journée !

Un conseil à partager aux attachés de presse ?

D’être journaliste ! Les bons attachés de presse vont vous donner l’idée et c’est le journaliste qui va la transformer et se l’approprier. Cela me fait penser à un ami attaché de presse dans la mode qui connaît mon côté « barrée » et qui n’a pas hésité à me proposer de passer de bras en bras, de génération en génération avec toutes les femmes de la famille Fendi. J’ai choisi l’angle de la grand-mère hôtelière qui a la Villa Laetitia sur l’ile de Ponza à la petite-fille- créatrice de bijou- Delfina Delettrez qui m’a fait découvrir son Rome.

Ce que j’enseigne aux gens qui travaillent avec moi, c’est de traiter l’objet de l’e-mails comme un titre d’article ! C’est ce que les attachés de presse devraient aussi faire pour nous donner envie d’ouvrir leurs nombreux mails.

Si vous n’aviez pas été journaliste…

L’humanitaire. Et c’est peut-être vers cela que je m’orienterai plus tard.

La personnalité qui vous inspire ?

Richard Branson, parce que j’aime ce que ce type a fait : Virgin Atlantic, Virgin Cola, le fait que maintenant il veuille nous emmener dans l’espace. J’aimerais gagner autant d’argent pour faire comme lui, toucher à tout sans me spécialiser dans quoique ce soit. J’aime le fait qu’il jongle avec tout un tas de projets et qu’il ait créé une compagnie aérienne dans laquelle on peut se faire une manucure !

Je pourrais faire peur à un investisseur si je disais que je voudrais que ma marque de chemise Kilometre puisse non seulement ouvrir une chaine d’hôtels mais aussi des maisons de retraite qui célébreraient le dernier voyage des personnes âgées en « curatant » (comme les curator d’expositions dans le monde de l’art contemporain) leur séjour. Kilometresélectionnerait des DVD pointus, des livres exotiques et inviteraient des intervenants explorateurs qui viendraient raconter leurs derniers reportages.

Un talent caché ?

Je fais des dîners pour 25 personnes pour lesquels je peux passer trois jours à cuisiner !

Une passion ?

Le voyage ou plutôt le fait « d’être déplacée ». Que ce soit de voir une expo sur des Boro, tissus anciens (guenille en japonais), de lire un livre presque philosophique de Jean-Didier Urbain « Au Soleil » (sur la naissance de la Méditerranée estivale), ou « Le tour du monde en 72 jours » de Nellie Bly ou encore « Chez les Yan » de Yann Lan, sur une famille chinoise, ou encore d’aller participer à une table ronde dans une école de mode qui vient d’ouvrir dans le 93 qui permet à des 17-25 ans de sortir de leur cité en mode « mode ». Un scooter, un avion ou un cheval, que des véhicules qui me permettent de naviguer d’un milieu à un autre, d’un village à un sommet, d’une culture à une autre. Voilà pourquoi le journalisme me plait.