
Racontez-nous votre parcours…
Le journalisme est pour moi une vocation : j’ai décidé que j’exercerai ce métier à l’âge de 12 ans. C’est une grande chance quand on sait vers quel but tendre ! Après un bac littéraire mention TB, j’ai été diplômée de Sciences Po Aix (promo 2006) puis de l’Institut Pratique de Journalisme (IPJ, promo 2008). J’ai fait mes débuts en télé au sein de la chaîne LCM à Marseille. Une équipe jeune, avec de l’émulation et la possibilité de toucher à tous les métiers : tourner des reportages, les monter, présenter des émissions… C’est très formateur, même si je crois que rarissimes sont ceux qui excellent sous toutes les facettes !
LCM a été mon tremplin : j’ai ensuite intégré le planning de France 3 en 2011. En un peu plus de cinq ans, j’ai effectué des missions comme rédactrice et présentatrice de JT dans 15 régions. Là encore, c’est très enrichissant de devoir sans cesse s’adapter, prendre rapidement le pouls de l’actualité dans des territoires que l’on découvre souvent complètement. Par ailleurs, mon statut de pigiste me permet de collaborer à la série « Pays et Marchés du Monde » diffusée sur TV5 Monde et France 2. C’est un autre travail : je renoue avec l’image en filmant et écrivant la voix-off de ce programme court dont la plupart des épisodes sont tournés en quelques jours à l’étranger. Le point commun entre mes différentes « casquettes » ? je voyage !
Présentez-nous une journée type…
En début de matinée : première conférence de rédaction. Avec les rédacteurs en chef, les scriptes, les journalistes, les chefs d’édition, les cadres techniques, on détermine les reportages, les invités du journal, les duplex etc. Si je suis en mode reporter, je pars sur le terrain avec un JRI (Journaliste Reporter d’images) et éventuellement un preneur de son. Au préalable, j’ai souvent passé quelques coups de fil pour caler les personnes à rencontrer et à interviewer. Après la récolte des informations et le tournage des séquences images, j’écris le commentaire aux côtés du monteur du sujet. On choisit ensemble comment construire le reportage. Après validation du rédacteur en chef, je pars dans une cabine de mixage pour enregistrer ma voix-commentaire.
Quand je suis en mode présentatrice, je dois avoir une vision plus globale. Mes collègues reporters me laissent des indications pour « lancer » leurs sujets sans les déflorer, à moi ensuite d’écrire en moins de vingt secondes un lancement concis et bien construit par rapport à la hiérarchisation des informations. Je dois veiller aux transitions d’un reportage à l’autre et au temps de parole qui m’est octroyé car présenter le JT c’est avant tout jongler avec les secondes : savoir raccourcir pendant le temps d’antenne si un invité s’est montré trop bavard ou au contraire meubler… Savoir aussi faire face en cas d’imprévu, garder son calme. Une demi-heure avant le JT, on passe en loge maquillage. C’est un moment de détente, de concentration aussi. On peut faire connaissance avec l’invité que l’on interviewera en studio quelques minutes plus tard.
Ensuite on est équipé (micro-cravate, oreillette) et l’on fait les réglages lumières, caméra, les tests pour le son… On s’assure en cas de duplex que la liaison est bien établie, que la personne nous entend bien. Quand on a le temps, on relit ses textes à voix haute en guise d’entraînement, on fait dérouler le prompteur à vitesse qui nous convient à l’aide de la molette de notre souris. Enfin, la scripte nous donne le décompte et c’est parti pour l’adrénaline ! Dans l’oreillette je suis en lien avec la scripte qui me donne régulièrement le temps de parole restant. Le rédacteur en chef ou le chef d’édition peuvent aussi s’adresser à moi pour me donner une information qui vient de tomber à la dernière minute, ils sont ma vigie. J’aime quand on débriefe le JT, ça permet de boucler la boucle, car souvent il me faut deux bonnes heures pour que l’excitation du direct redescende…
Les valeurs qui vous guident au quotidien ?
La rigueur, le souci de retransmettre fidèlement une information, ne pas céder à la pression du scoop en vérifiant au maximum ses sources.
Si vous n’aviez pas été journaliste, quelle autre profession vous aurait plu ?
Photographe. J’aime l’image, l’idée de capturer un instant précis de la vie, et tout le travail lié à la lumière.
Votre plus belle interview ?
Je crois qu’une interview est réussie quand on parvient à mettre en confiance son interlocuteur, à lui faire oublier qu’on le filme et l’enregistre. J’ai une affection particulière pour les artisans, que je trouve passionnés et passionnants. Ce métier offre de belles rencontres, on côtoie toutes les sphères sociales. On peut aussi bien interviewer un ministre, qu’un SDF, une vedette… Il y a bien sûr des histoires qui nous touchent particulièrement : je me souviens de l’émotion d’un ouvrier du bâtiment qui suivait un cours d’alphabétisation, et qui me confiait sa honte de ne savoir ni lire ni écrire en français. Il était tellement fier que ses enfants fassent des études… J’aime quand l’émotion perle dans le propos, sans pour autant tomber dans le voyeurisme d’un zoom appuyé sur les larmes.
Quel est votre meilleur souvenir lié à votre activité ?
Ce que j’aime par-dessus tout dans ce métier, c’est qu’il n’y a pas de réelle routine, chaque journée d’actualité est différente, même si bien sûr les techniques journalistiques demeurent. Ce métier nous permet de rencontrer des personnes et des univers totalement différents. On a parfois la chance d’accéder à des lieux d’ordinaire interdits au public. J’ai aimé aussi bien enfiler un baudrier pour quelques minutes d’escalade dans une calanque, que faire du voilier, monter à bord d’un cargo ou assister à une répétition d’opéra. J’adore me lever et ne pas savoir ce qui m’attend dans la journée !
L’évolution marquante de votre métier ces 5 dernières années ?
La place qu’occupent les réseaux sociaux en tant que relais d’informations, plus ou moins vérifiées ! Il faut compter avec cela et donc redoubler de vigilance. Aujourd’hui, à l’aide des smartphones, chacun peut s’improviser reporter. Or être journaliste, est un métier, avec des règles, un code déontologique. Idem pour les spécialistes de l’image, du montage etc. Aujourd’hui, la vitesse à laquelle le flux d’informations se propage est phénoménal, sans oublier que nous avons un bouquet de chaînes de plus en plus large. Le défi : être réactif tout en restant fiable. Ces dernières années, outre la miniaturisation des outils de transmission ou des caméras, on nous demande d’être de plus en plus polyvalents : assurer des directs, écrire pour le site web…
Un présentateur/une présentatrice TV qui vous inspire ?
J’ai beaucoup d’admiration pour la carrière d’Elise Lucet, dont la pugnacité et la rigueur sont remarquables dans « Cash Investigation ». Un autre modèle : Marie-Sophie Lacarrau : pro, souriante, sans en faire trop. Elle vient de France 3 Midi-Pyrénées et s’est hissée au 13H de France 2, un bel exemple qui prouve que les passerelles entre les chaînes régionales et nationales existent !
Une passion ?
La lecture. On n’est jamais seul quand on est plongé dans un livre. Souvent, je me dis qu’une vie ne suffira pas pour que j’étanche cette soif-là ! J’ai d’ailleurs du mal à suivre la cadence : j’achète plus de livres et de magazines que je n’aie le temps de les lire. Je reste encore attachée au papier, difficile pour moi de bouquiner sur tablette pour l’instant.
Un conseil à partager aux attachés de presse ?
Bien identifier ce dont a besoin le journaliste en fonction de son média. En télévision, on fait de l’image, cela semble évident et pourtant : souvent les attachées de presse ont du mal à assimiler qu’une conférence de presse est rarement un grand moment de reportage audiovisuel. Quand l’attaché(e) de presse est efficace sans être trop insistant(e), c’est un relais précieux qui nous permet de gagner énormément de temps !