10 questions à
Ludovic Bischoff
Reporter indépendant tourisme, gastronomie & lifestyle

Racontez-nous votre parcours…
Enfant, j’ai beaucoup fréquenté les « maisons de la presse » (quel joli nom d’ailleurs !) pour y acheter des comics puis adolescents pour les news magazines… J’ai peut-être même envisagé d’y travailler un jour avant de réaliser que je pouvais aussi écrire dans les magazines et journaux que je lisais 😉 Je me suis donc orienté vers une école de journalisme (ESJ) après avoir passé un BTS « communication et publicité » puisqu’il fallait un Bac+2 pour intégrer cette école… J’aurais peut-être pu m’épanouir comme rédacteur dans la pub glorieuse des années 80 qui nous faisait alors rêver mais arrivant sur le marché du travail après la 1ère guerre du golfe, après l’effondrement du bloc de l’Est, l’actu était tellement forte que je me suis engouffré dans le journalisme pour y tutoyer l’Histoire et ceux qui l’écrivent…
Un premier poste de journaliste terrain dans le principal groupe de presse locale en Île-de-France où j’ai réellement appris le métier, du terrain au grand reportage pour terminer à la rédaction en chef. Puis une expérience dans la presse professionnelle économique, là encore comme rédacteur en chef durant plus de 8 ans. Avant un retour « sur le terrain » il y a 5-6 ans, comme journaliste freelance dans les domaines du « tourisme, de la gastronomie, du life style… » pour réunir ma passion des voyages et des découvertes avec mon amour de l’écriture et du reportage.
L’évolution marquante de votre métier ces 5 dernières années ?
La presse affronte une double problématique : une révolution industrielle (nouveaux modes de consommation de l’information par des lecteurs qui se sont habitués à la gratuité sur des supports numériques, nouveaux modes de production de l’info, polyvalence obligée des rédacteurs qui doivent aussi prendre des photos, voire de la vidéo, monter leurs articles, etc.) et une crise économique (de moins en moins d’annonceurs dans les médias traditionnels car crise économique et redéploiement de leurs investissements vers de nouveaux médias de plus en plus nombreux sur Internet, dans l’audio-visuel, etc.).
Bref, quand un secteur économique affronte un seul de ces facteurs, c’est déjà compliqué mais alors les deux ! Un vrai big bang pour la presse ! Résultat : de moins en moins de moyens financiers pour les reportages et une précarisation des journalistes de plus en plus souvent pigistes et de moins en moins en poste dans une rédaction. Et des nouveaux venus, surtout dans les domaines « lifestyle » comme le voyage ou la gastronomie, des blogueurs qui ont bien eu raison de saisir leur chance d’être lus/vus/entendus de part eux-mêmes grâce aux nouveaux médias numériques et sociaux là où, avant, il fallait faire des études de journalisme puis trouver un média qui vous accepte…
Tout cela fait beaucoup pour un seul secteur économique ! Et cela nous force, nous autres journalistes, à nous adapter et à être réactifs : d’où ma décision il y a quelques mois, avec beaucoup de retard c’est vrai, de lancer en parallèle à mon activité de journaliste traditionnel mon propre petit site et ses réseaux sociaux associés (allez faire un tour sur www.bohemianvoyageur.com ;-)… Car au final, cette liberté qui nous est offerte de nous affranchir d’un média traditionnel pour publier nos reportages est une chance historique pour un journaliste. Reste à trouver le modèle économique.
Un conseil à partager aux attachés de presse ?
Dans les domaines du tourisme et du « life style » en général, on confond parfois le superficiel avec l’essentiel. Faire une belle brochure, c’est bien, pour le grand public qui a envie de rêver. Les journalistes, eux, ont besoin avant tout de documents de travail qui soient concis, hiérarchisés, ordonnés et donc pratiques. Je reçois encore trop souvent une « plaquette » de communication, ce qui n’est pas un dossier ou communiqué de presse dont l’objectif est de nous faire gagner du temps en nous apportant des informations facilement accessibles sur la forme. Un DP/CP a pour but d’attirer notre attention (qui n’est pas toujours très disponible !) pour que nous puissions ensuite revenir vers l’attaché de presse si nous souhaitons plus d’infos, des contacts etc. Attention donc à ne pas trop privilégier la forme au détriment du fond et de l’aspect pratique des documents que vous envoyez aux journalistes.
Présentez-nous une journée type…
Pas de journée type et c’est ça qui est génial dans ce métier ! J’alterne entre des déplacements et reportages en France et à l’étranger (pour les médias suivants : Les Echos Week-end pour qui je gère chaque semaine la rubrique Esprit Week-end et cherche des infos culturelles et touristiques sur la France entière, plus de longs reportages tourisme dans les pages tourismes et les sites : VoyagesSncf, Lesrestos, Mafamillezen, Plume.fr et JetTours avec lesquels je collabore très régulièrement et d’autres supports pour lesquels je collabore de manière intermittente) et les périodes d’écriture au calme, chez moi comme tous les pigistes qui sont rarement intégrés physiquement dans les rédactions.
Les valeurs qui vous guident au quotidien ?
La curiosité doit être, à mon sens, le moteur d’un journaliste qui doit être capable de s’intéresser à tout, du plus technique et sérieux au plus futile et léger. Sans cette ouverture d’esprit et curiosité on se ferme pas mal de portes…
Les thématiques qui attisent le plus votre curiosité ?
Pas de thématique précise. Le « journalisme tourisme » touche inévitablement plusieurs thématiques : les voyages et les rencontres avec des peuples aux habitudes et traditions différentes, la gastronomie, l’art de l’hébergement, la culture, le design, la mode… C’est très large et c’est ça qui est intéressant dans ce secteur d’activité aux contours flous.
L’évènement que vous souhaiteriez couvrir avant la fin de votre carrière ?
Le problème de notre monde devenu globalisé c’est que tout devient accessible à tous et très vite. Il est de plus en plus difficile de dénicher un événement encore un peu « underground » car ils sont rapidement médiatisés et partagés sur les réseaux sociaux, les populations voyagent comme jamais dans l’histoire de l’Humanité, le village global n’a jamais été aussi réduit et cela n’est pas près de s’arranger… Donc, j’aurais par exemple adoré couvrir le premier Burning Man Festival quand c’était encore un petit événement confidentiel monté par quelques hurluberlus. Aujourd’hui, c’est devenu un grand bazar très accessible et connu… Disons que l’événement que j’aimerais couvrir est celui que peu de monde connait encore, moi y compris 😉
La question ou la remarque que l’on vous fait le plus souvent ?
« Quelle chance tu as de voyager tout le temps, ce n’est pas du travail mais des vacances… » Réflexion que tous les journalistes et encore plus ceux qui se sont spécialisés dans le tourisme ont entendu un jour. Mais les mêmes seraient-ils prêts à autant de déplacements, à être toujours ici et là, à la précarité professionnelle que cela implique, à la fatigue physique, etc. ? Pas certain…
Vos plus beaux reportages à l’étranger ?
Ma plus belle expérience de reportage, comme souvent dans la vie, se rapporte à un moment atypique au début d’une carrière que l’on découvre. Jeune reporter en « infos générales » j’ai eu la chance d’embarquer avec la seule équipe de sapeurs-pompiers et sauveteurs français à partir sur un énorme tremblement de terre en Inde, dans la région du Gujurat. Une semaine épique sur un terrain ravagé, avec des milliers de morts. J’étais le seul journaliste « embedded » à accompagner les pompiers sur la zone, pour chercher des survivants. Une semaine intense humainement et que tout journaliste qui rêve de jouer à « Tintin reporter » souhaite vivre un jour. Après ce type d’expérience ultime et extrême, on relativise pas mal de choses.