
Racontez-nous votre parcours…
J’ai d’abord fait langue étrangère appliquées car je voulais devenir traductrice. Puis à 20 ans, alors que je faisais mes études à Strasbourg, mon frère a créé un journal étudiant gratuit qui s’appelait Malin, pour lequel il m’a proposé de réaliser des interviews d’auteurs pour la rubrique Littérature. J’ai ainsi fait mes premiers pas dans le journalisme en interviewant Jean D’ormesson, Pascal Bruckner et autres auteurs qui étaient de passage à la librairie de Strasbourg. C’est alors que j’ai beaucoup réfléchi à mon souhait de devenir traductrice, en réalisant que j’étais très curieuse et que j’aimais beaucoup poser des questions. Après ma licence LEA, j’ai alors décidé de faire l’ECJ, une école de journalisme à Paris, qui m’a permis de faire de nombreux stages en journalisme, en commençant par être pigiste pour pas mal de titres, puis en devenant journaliste pour Madame Figaro depuis maintenant 14 ans.
Votre plus belle interview ?
C’est une interview que je suis allée chercher très loin, car j’étais la seule à y croire au journal et j’ai dû l’imposer ! Il s’agit de Jenna Lyons, directrice artistique de J.Crew, qui est une fille formidable, qui fourmille d’idée, qui a un style de dingue, qui a révolutionné un peu la mode chez J.Crew. Lorsque la marque est venue s’installer en France, je me suis dit que c’était le moment et j’ai réussi à faire une couverture avec elle. L’interview dans son bureau reste un de mes meilleurs moments parce que je buvais ses paroles, cette fille est hyper intéressante, elle te transmet tout l’amour qu’elle a pour son boulot et cela m’a beaucoup marqué.
J’adore aussi interviewer les gens de l’ombre, les artisans, les premières d’ateliers. Souvent quand on me propose des acteurs, ce n’est pas ce que je préfère faire, parce que je ne sais pas trop quoi leur demander, car finalement, leur métier c’est de jouer la comédie, et qu’ils le font très bien. Je préfère par exemple interviewer un artisan qui va fabriquer des violons et qui va me raconter comment il travaille son bois, ce qui m’enrichit beaucoup plus.
Un pays ou une ville qui gagne à être plus connu ?
Tokyo et le Japon, bien que le pays soit déjà bien connu. C’est en tous cas le dernier voyage que j’ai fait qui m’a beaucoup marqué, parce que c’est tellement loin de nous et différent de ce que l’on est, il y a une espèce de zénitude très appréciable dont on devrait s’inspirer.
Sinon, Copenhague, qui m’a complètement bluffée. La ville est hyper jolie, tout le monde en vélo et il se dégage une espèce de lifestyle que tu as envie d’adopter tout de suite ! Le temps est mauvais mais ce n’est pas grave, tout le monde était en imperméable, en vélo, tout est hyper cocooning.
Je dirais aussi les îles Lofoten en Norvège, qui m’ont fait complètement halluciner. J’ai eu l’occasion d’y faire un road-trip en famille, c’est la nature à l’état pur, des fjords qui t’explosent à la tronche, c’est paumé, il n’y a personne. Sur une même île on y trouve une plage de sable blanc, des montagnes immenses sur lesquelles on fait des randonnées, très préservées, on dort dans des petites cabanes en bois rouge, c’est magnifique.
Présentez-nous une journée type…
J’ai deux journées type. Celle où je bosse à la maison qui est une journée basique où je mets les enfants à l’école et je me colle devant l’ordinateur à 8h30 à 18h30. Puis il y a les journées à Paris, deux ou trois fois par semaine où c’est la course. J’en profite pour bloquer tous mes rendez-vous. J’arrive à 9h, j’attaque sur un petit-déjeuner en compagnie d’attachés de presse, après une visite dans un bureau de presse, puis j’enchaîne avec une conférence de rédaction au journal où tous les journalistes se réunissent pour définir les sujets qui seront publiés. L’après-midi, soit j’écris soit je continue les rendez-vous.
L’évènement que vous souhaiteriez couvrir avant la fin de votre carrière ?
Il n’y a pas si longtemps j’aurais dit les fashion week, car cela fait deux ou trois ans que j’adore les faire, car on rencontre plein de gens différents et qu’il y a une espèce d’effervescence dans laquelle tu sautes forcément.
J’aimerais bien faire le Pitti Immagine Uomo , à Florence, une réunion à Florence autour de la mode masculine, qui est un concentré de mecs les plus branchés et les plus beaux. J’adore Florence, le cadre me fait rêver et ça me fait tellement marrer de voir tous ces mecs hyper bien habillés et qui vivent la mode pleinement.
Les valeurs qui vous guident au quotidien ?
J’essaye d’être très fidèle dans mes relations et dans ce que les gens me disent et me racontent parce que c’est très facile pour un journaliste d’arranger la vérité ou de changer une tournure de phrase. A chaque interview, je m’efforce de sentir cette personne et de rester la plus fidèle possible à ce qu’elle me dit mais aussi au ton employé pour que cela se ressente dans le papier.
La curiosité, mais je ne sais pas si c’est une valeur. J’essaie aussi de rester positive, j’essaie d’embarquer directement le lecteur, j’écris comme je parle, et j’essaie de l’emmener avec moi sans employer des termes pompeux, qui dégoulinent de miel, mais juste de lui faire vivre brut de pomme ce que j’ai vécu avec la personne que j’ai rencontrée.
Un talent caché ?
Pas du tout, je suis nulle en dessin, nulle en chant, nulle en musique, nulle en cuisine.
Mon seul talent, c’est le bisou ! (rires). C’est venu de manière complément débile. Pendant la Fashion Week à New-York, je faisais deux ou trois selfies avec des gens connus, puis une fois avec Tommy Hilfiger je me suis dit « mais tu as vraiment l’air con à poser avec quelqu’un comme ça », il ne se passe rien en fait ! Puis spontanément, j’ai regardé Tommy puis j’ai fait mine de lui faire un bisou. J’ai posté la photo, puis j’ai recommencé deux jours plus tard et maintenant les gens qui me suivent qui me réclament des Fake Kiss!
La personnalité qui vous inspire ?
Certaines personnes m’inspirent sur le plan professionnel comme Oprah Winfrey, car je trouve que c’est une vraie bonne femme qui a su s’imposer et qui fait des trucs super. Je suis inspirée par les personnalités américaines, pleines de positivisme.
Qui rêverais-tu d’interviewer ?
Je track depuis longtemps Anna Wintour. Je me prends vent sur vent, mais je rêverais de l’interviewer pour savoir si elle est vraiment le dragon qu’on dit qu’elle est. A chaque fois que je croise quelqu’un qui la connaît très bien, elle me dit « Oh, she’s amazing ! », donc j’attends de voir si c’est vraiment « amazing ».
J’adorerais interviewer Miuccia Prada parce qu’elle a une vision de la mode tellement hallucinante et tellement juste à chaque fois. Je traque également Lena Dunham, réalisatrice de la série Girls, qui a lancé Lenny Letter, une newsletter qui donne la parole à des femmes qui racontent leur combat de femme, pour s’imposer dans certains milieux ou pour avoir un bébé et c’est vraiment génial.